Archives : Mémoire et outil de démocratie et de bonne gouvernance / Bellarmin C. CODO

Parlons de choses qui fâchent : il n’est pas rare, dans notre administration, de voir une nouvelle autorité qui s’installe ne disposer d’aucune documentation appropriée pour asseoir sa politique dès sa prise de fonction ou de pouvoir ; le sortant, souvent, part avec la documentation accumulée sous sa gestion estimant en être le « légitime » propriétaire.

Ainsi il n’est pas rare également de disposer de plusieurs études sur le même thème en 2 ou 3 années d’intervalle, signe de l’absence de la tenue des dossiers mais aussi de gaspillage tant financier que de temps. Enfin c’est le signe tangible de l’absence de prise de conscience de la place des archives dans la gestion administrative de tout organisme qu’il soit public ou privé.

Qu’appelle-t-on Archives ?

Ce sont les documents produits par des individus, des entreprises (publiques ou privées) et les administrations à des fins de mémoire ; ils sont conservés pour se souvenir et garder des traces.

Quelle est la place des archives dans la mémoire collective d’une nation ? Quel lien peut-on établir entre archives, démocratie et bonne gouvernance ? Quelle est la place des archives dans les politiques de développement ?

Dans le présent exposé nous essaierons d’apporter des éléments de réponse à ces différentes interrogations.

1- Les archives, hier et aujourd’hui

Au sens traditionnel du terme, les archives sont considérées comme un patrimoine et servent à écrire l’histoire des hommes ou d’un pays, ce sont des documents surtout sur support papier et déjà archivés, bref de vielles paperasses qui n’intéressent pas grand monde ; et les archivistes sont assimilés à des magasiniers chargés de les garder.

Je me souviens d’une époque, au milieu des années 1970, où nos archives nationales ont répondu à cette définition, un entrepôt de vieux papiers ; elles ont donc constitué au lendemain de notre indépendance, les parents pauvres de toutes les politiques de développement.

Heureusement aujourd’hui la situation a évolué et les mentalités ont commencé à changer. Au sens actuel, les archives, c’est « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité »[1]. Comme on le voit, les archives ce ne sont plus seulement des documents sur supports papiers ; elles sont aussi sur supports photographiques, audiovisuels et électroniques. Tous ces documents servent à des fins de mémoire, bref se souvenir et garder des traces des actions menées année après année.

Au Bénin c’est avec l’avènement du Renouveau démocratique que la prise de conscience de l’importance des archives est devenue réalité ; les archives ont ainsi quitté le ministère de la culture où elles étaient logées pour passer sous la tutelle de la présidence de la République ; c’est la première étape d’une volonté politique d’en faire un instrument au service de la démocratie et du développement.

Comment les archives sont-elles perçues aujourd’hui ?

2- Les Archives nationales, un pan de la mémoire du peuple béninois

Les archives, et on n’en a pas souvent conscience, sont collées au présent. Ainsi souvent on lit, on regarde la télévision ou on écoute des informations sans avoir conscience qu’elles sont issues des archives même si, très souvent, le présentateur ne le signale pas :

  • L’émission radiophonique, « la radio a de la mémoire » puisait ses sources dans les archives ;
  • La survenue d’un événement renvoie tout de suite aux sources d’archives :
  • La chute de Blaise Compaoré le 31 octobre dernier a conduit à un véritable retour au passé. Elle a permis de ressortir des archives, tant écrites qu’audiovisuelles, des pans de l’histoire récente du Burkina Faso ; l’avènement du coup d’Etat de 1983, les conditions de la prise de pouvoir par Blaise Compaoré en 1987 et l’évolution de son régime ces 27 dernières années. Sans une politique de gestion des archives et des documents cela n’aurait pas été possible ;
  • La survenue de la fièvre Ebola cette année a conduit là aussi à retourner au passé et permis sa prise en charge rapide. On a pu constater que l’histoire de cette épidémie apparue au milieu des années 1970 est connue et qu’une bonne documentation existe pour retracer le phénomène.
  • Bien d’autres exemples montrent l’importance des archives dans la vie quotidienne des hommes. Ainsi en est-il des documentaires regardés à la télévision, des débats de société et même des discours des hommes politiques.

Les archives servent à sauvegarder la mémoire des actes d’hier et ainsi éclairent le présent. Elles devraient donc servir à fonder les actions du présent en toute connaissance de cause.

Créé le 02 mars 1914, le service des archives du Dahomey, dénommé aujourd’hui Archives nationales du Bénin, a d’abord été les archives de la colonisation française. Un service dans lequel le colonisateur déposait les documents rapportant les actions et actes posés dans le cadre de sa politique de colonisation. On découvre, en consultant ces documents, un peuple en constitution dans toute sa diversité. C’est un lieu essentiel de la mémoire d’une nation béninoise en construction. Les archives nationales constituent un fonds commun du peuple béninois à transmettre de génération en génération. C’est le lieu où notre peuple aurait à se découvrir à travers son histoire, son identité et prend conscience de cette identité commune.

Les archives servent d’abord de fondement à la connaissance de l’histoire d’un peuple, d’un pays. Elles continuent de conserver cette place essentielle. Mais aujourd’hui les historiens ne sont plus les seuls à fréquenter les archives. Les spécialistes d’autres disciplines les fréquentent également à savoir des géographes, des sociologues, des économistes, des administrateurs et bien d’autres scientifiques. Tous exploitent les documents d’archives pour étayer et approfondir les assises de leurs connaissances dans les diverses disciplines de recherche.

L’ancienne colonie du Dahomey, actuelle république du Bénin, est une création de la France. Le territoire acquis a regroupé des peuples d’entités politiques différentes qui s’ignoraient ou se sont combattues selon les régions. Le colonisateur les a rassemblés de force et ces populations ont appris à se connaitre, à s’identifier comme peuple subissant le même joug colonial. Les archives nationales conservent l’histoire de cette intégration forcée, l’histoire de leur lutte d’abord individuelle puis commune contre le colonisateur français, comment ces populations ont subi le joug des exigences coloniales et comment elles y ont répondu. Les archives constituent, dans ce cadre, pour nos populations leur mémoire collective.

Nos archives nationales sont le centre de documentation de la mémoire du peuple béninois, un legs précieux à conserver. 

3- Les Archives, un outil de démocratie

Après avoir créé les archives nationales de France en 1790, les révolutionnaires français ont, quatre ans plus tard, fixé les règles de son fonctionnement. Elles seront démocratiques. Le 25 juin 1794, une loi décidait que « tout citoyen pourra demander, dans tous les dépôts, communication des pièces qu’ils renferment. Elle sera donnée sans frais et sans déplacement ».

Cette disposition de la loi traduit la volonté du législateur de garantir la transparence des actions de l’administration. L’Etat se doit de respecter les droits des citoyens. Dans le respect de ce principe fondamental, les archives jouent un rôle qui s’affirme de jour en jour. Les constitutions partout dans le monde actuel traduisent cette volonté : le droit d’accès à l’information. Et notre constitution n’y déroge pas. L’exercice du droit du citoyen de contrôler l’action de ses mandataires (élus ou fonctionnaires) se trouve dans les dispositions de l’article 8 de la Constitution du 11 décembre 1990 sur le droit d’accès à l’information. Cette disposition est confortée par l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples stipulant que « toute personne a droit à l’information. »

Notre histoire nationale contient bien de faits de violation des droits de l’homme ; il revient aux archives nationales d’en conserver les traces ; elles jouent le rôle de collecte et de conservation des témoignages et des preuves. Il s’agit de garder aussi ces traces matérielles qui permettront aux générations futures de lutter contre l’oubli.

Soulignant les liens entre archives et droits de l’homme, Guy Braibant expliquait lors de la Table Ronde des Archives du Cap en 2003, « En premier - les archives - doivent contribuer à conserver à la fois la mémoire des progrès des droits de l’homme et celle de leurs violations. En second lieu elles sont un instrument privilégié de la mise œuvre des droits de citoyenneté les plus récemment parus : la transparence et la participation. »

Comme pour conforter ces propos, Monseigneur Desmond Tutu au cours de cette même table ronde déclarait, « les archives sont cruciales pour nous permettre de rendre des comptes… Elles sont un rempart puissant contre les violations des droits de l’homme. Nous devons nous rappeler notre passé pour faire en sorte qu’il ne se répète pas. »

Ces différents propos expriment bien l’un des rôles essentiels des archives, contribuer à garantir les droits de l’homme.

4- Archives, un outil de bonne gouvernance

Une bonne gouvernance a pour point de départ la transparence administrative. La transparence constitue un instrument de contrôle des services publics par les usagers.

Revenons donc à l’exemple donné au début de notre exposé, quand le nouveau détenteur de l’autorité prend pied dans une administration dans laquelle on a fait table rase des actions de son prédécesseur. Cet acte est la négation de la mémoire cumulative de l’administration, la volonté du refus de transfert d’expertise administrative d’un responsable à un autre et aussi la volonté de ne pas devoir rendre compte de sa gestion. Or le sortant a pour devoir d’assurer au nouvel arrivant une connaissance des actions, des motivations et des résultats atteints par tous ses prédécesseurs. Comme on dit dans notre tradition « c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tresse la nouvelle ». Nos ancêtres ne savaient pas si bien dire ! Et c’est ainsi qu’il faut comprendre le président François Mitterrand quand en 1988, il disait : « Les archives de tous les pays, en gardant la trace des actes d’hier et leurs cheminements éclairent mais aussi commandent le présent. Ceux qui exercent une responsabilité savent bien qu’on ne définit pas des orientations dans l’ignorance du passé. ». La bonne tenue des archives d’une administration est le gage d’une administration efficiente consciente de l’importance de rendre compte.

L’administration publique n’est pas la seule institution produisant des documents d’archives. Différentes catégories de personnes ou d’institutions produisent ou reçoivent des documents à conserver.

Nous produisons tous, en tant qu’individu, des documents qui constituent nos archives personnelles : documents de l’Etat civil, documents de notre vie scolaire et ou universitaire, notre vie professionnelle et ou sociale, notre suivi médical, etc. Elles constituent le « résumé » de notre vie. On en prend souvent conscience à la veille de faire valoir ses droits à la retraite quand l’administration nous demande copie de nos actes administratifs pour reconstituer notre carrière, pour établir nos droits à une pension de retraite. Il n’est pas rare de voir bien de gens paniquer face à la difficulté de retrouver tous leurs actes administratifs et e se mettre à rechercher une documentation qu’ils auraient du conserver au fur et à mesure de l’évolution de leur carrière. Il en est de même, pour certains, des biens acquis, souvent fonciers, dont ils n’ont pas pris la peine de conserver les justificatifs réguliers et légaux pour faire preuve en cas de besoin.

Les individus ne sont pas les seuls concernés oar une bonne conservation des archives. La bonne des archives produites par les entreprises est indispensable. Elles leurs à court, moyen et long terme de répondre aux clients, aux propriétaires de l’entreprise, mais aussi à l’administration publique, surtout fiscale. Ceci permet l’accès à des informations authentiques et à des preuves des réalisations de l’entreprise, les rapports qui les expliquent et les mettent en contexte. Pour toutes ces raisons, les archives doivent faire l’objet d’un traitement efficace et approprié.

S’agissant des administrations publiques, les documents qu’elles produisent doivent être bien gérés, bien conservés et bien classés pour le bien-être des administrés.

En effet n’oublions pas que la raison première de la création du service des archives du Dahomey est d’abord pour le colonisateur de disposer d’archives bien conservées pour une administration efficiente. Le besoin a conduit, vingt ans après la création de la colonie le 22 juin 1894, à la mise en place du service des archives le 02 mars 1914.

L’administration manifeste sa volonté d’être en mesure de rendre des comptes en reversant ses dossiers « caduques » à la direction des archives nationales pour être traitées et accessibles. Ces versements périodiques aux Archives nationales rassurent le citoyen et contribuent à le rendre confiant dans son administration qui a montré qu’elle n’a rien à cacher.

C’est le lieu reconnaitre avec le président François Mitterrand, s’exprimant devant le congrès international des archives à Paris en 1988, qu’« il faut penser à la mémoire de l’avenir dès le moment de l’action. Aussi se doter d’un service d’archives efficace entre dans les préoccupations d’un Chef d’Etat, d’un Gouvernement aussi bien d’une entreprise ou de toute collectivité agissant dans la société ».

Pour l’Etat, le maintien d’une relation stable et saine avec ses citoyens repose avant tout sur l’information du citoyen dans la transparence administrative.

Dans le cas des jeunes Etats africains comme le Bénin qui ont accédé à l’indépendance dans les années 1960, la bonne conservation et une gestion appropriée des archives sont indispensables pour disposer des éléments confortant son existence dans des frontières sûres et stables. Tel n’est pas le cas de nos Etats qui sont des créations artificielles des colonisateurs européens. Des peuples ont été ainsi dispersés dans deux (2) voire trois (3) entités politiques. Les frontières ont été souvent approximativement tracées et fixées. C’est à partir des cartes et autres documents coloniaux conservés dans les archives héritées du colonisateur que chaque Etat va rechercher les bases juridiques de ses droits.

Conserver et bien gérer ses archives pour une administration publique conduit :

  • à une bonne gouvernance de l’Etat par ses hommes politiques et ses fonctionnaires ;
  • à l’attestation des droits et obligations de l’Etat, de ses fonctionnaires et de ses citoyens ;
  • à mieux défendre ses droits dans les différents contentieux frontaliers, politiques et culturels ;
  • au maintien de la mémoire de l’Etat et de ses citoyens.

Les Archives font l’interface entre l’administration et les citoyens permettant ainsi l’examen d’activités tenues secrètes au moment où elles s’exerçaient.

La transparence administrative accompagnée d’une bonne gestion des archives et des documents constituent le gage d’une bonne gouvernance.

En consultant les archives de la période coloniale on découvre les problèmes de gestion et les réponses originales que le colonisateur y a apportées. En voici un exemple : la gestion du personnel du commandement « indigène », c’est-à-dire les chefs de canton dahoméens.

Les chefs de canton sont nommés à vie. Mais quand ils vieillissent ils sont maintenus dans leur fonction bien que devenus inefficaces pour le colonisateur. Le cas s’est présenté en 1941 dans le cercle de Natitingou. Comment mettre fin au service des chefs de canton qui ont vieilli et pourtant maintenus en poste dans la subdivision de Kouandé malgré leur incapacité à continuer d’exercer leur fonction ? La réponse est venue du pays Agonlin dans le cercle d’Abomey : le chef de canton Guendéhou vieillissant et impotent est remplacé par son fils Innocent Guendéhou. Le vieux chef de canton reçoit un subside comme chef de canton « honoraire » ce qu’on peut assimiler à une pension de retraite et qui a ainsi facilité son remplacement. L’expérience du pays Agonlin sera alors généralisée dans le cercle de Natitingou.

Cet exemple, tiré des archives nationales, constitue un exemple original mais singulier de réponse du colonisateur à un problème inédit. Comment mettre fin à une fonction par définition à vie sans perturber l’ordre colonial mis en place par le colonisateur. A défaut de prendre un texte réglementaire modifiant les dispositions sur les chefs de canton, le commandant de cercle d’Abomey puis celui de Natitingou ont passé outre les dispositions réglementaires et accorder un subside aux chefs qui ont été ainsi mis à la retraite. 

Peut-on parler alors de bonne gouvernance coloniale dans la gestion du personnel du commandement « indigène » ?

Tant les individus, les entreprises que les administrations publiques se doivent donc de conserver les documents produits ou reçus, gage d’une gestion efficiente. On peut conclure à cette étape que les archives, qu’elles soient publiques ou privées, qu’elles soient courantes (c’est-à-dire toujours en exploitation) ou définitives, elles doivent faire l’objet d’un traitement efficace et approprié.

Pour qu’il en soit ainsi le rôle principal revient aux administrations publiques qui doivent disposer d’archives ayant fait l’objet d’un traitement efficace et approprié. La garantie d’une bonne gouvernance passe par une bonne gestion des archives et suppose :

  • de bonnes méthodes de conservation ;
  • d’outils informatiques disposant de logiciels adéquats ;
  • de classifications adéquates. 

L’administration des archives pourrait ainsi procéder à un traitement efficient des documents reçus et les rendre accessibles au public.

Mais nous devons souligner que la volonté politique au sommet de l’Etat est fondamentale pour appuyer la définition et la mise en œuvre d’une politique de gestion efficiente des archives nationales.

5- De la nécessité d’une bonne politique des archives.

Avec l’avènement du renouveau démocratique, le regard des autorités gouvernementales sur les Archives nationales a évolué positivement. Les Archives Nationales du Bénin ont déménagé dans de nouveaux locaux construits à cet effet. Il a été procédé ses dernières années à une étude approfondie sur nos archives publiques avec le recensement de tous les sites tant à l’intérieur du Bénin qu’à l’extérieur conservant des documents concernant notre histoire. Ainsi nous connaissons aujourd’hui l’importance des fonds d’archives du Bénin qui se trouvent aux Archives du Sénégal (ex Archives de l’AOF), aux Archives nationales de France à Aix-en-Provence ainsi qu’à l’Institut national de l’audio-visuel (INA) en région parisienne en ce qui concerne les archives audiovisuelles.

Le rôle des archives bien tenues est essentiel dans toute politique de développement. Elles permettent de :

  • réduire les gaspillages, le temps perdu en recherche de dossiers, les dépenses et les frais inutiles ;
  • éviter le risque de doublon dans des travaux de recherche et d’études déjà réalisées mais non conservées ;
  • combattre l’amnésie qui conduit à la cécité administrative et à la gabegie ;
  • obliger les mandataires du peuple à reverser régulièrement les fonds d’archives aux structures prévues à cet effet aux fins de rendre compte de leur gestion.

Mais ceci suppose un appui décisif aux structures chargées des archives tant dans l’administration centrale que dans les collectivités territoriales et décentralisées. Il faut donner aux archives les moyens tant financiers, humains que matériels pour arriver à une gestion efficace des documents, leur traitement adéquat et de bonnes conditions de leur conservation. Les activités des Archives nationales doivent s’inscrire dans les priorités du plan de développement national.

Un exemple éloquent de cette nécessité : la gestion du domaine du campus universitaire d’Abomey-Calavi. Le domaine a été attribué en 1972 par arrêté du ministre des Travaux Publics et des Transports de l’époque, Gabriel Lozès, soit 400 ha à l’université nationale et 200 ha à la Radio nationale. Il semble que les ayant droits aient été dédommagés à l’époque mais aucune trace des pièces comptables n’a été retrouvée. C’est en vain que l’administration de l’Education nationale et de l’Université Nationale du Bénin, face au grignotage régulier du domaine, a recherché les pièces comptables des années 1972-1974. Les retrouver aurait permis l’expulsion des nouveaux propriétaires des portions du domaine et ainsi pouvoir procéder à son enregistrement. L’Etat a été obligé de débourser encore 100 millions de francs pour dédommager des ayant droits et pouvoir ainsi clôturer le reliquat de domaine qui a été sauvegardé soit 99,92 hectares sur 400 ha à l’origine… Ainsi, l’absence d’une bonne conservation des archives comptables, tant au ministère des finances qu’à celui de l’éducation nationale, a conduit à payer deux fois le même domaine. Le fait étonnant est que l’ORTB, avait très tôt clôturé son domaine, fait enregistrer son terrain au service des domaines et donc a pu empêcher toute tentative de remise en cause de sa propriété dans le contexte des bouleversements de la période révolutionnaire.

A contrario, la bonne tenue des archives de l’Office du baccalauréat du Bénin permet de faire face aux cas de fraude et de faux diplômes.

Dans la maîtrise de la connaissance de notre histoire nationale, les archives jouent un rôle essentiel puisque conservant principalement les documents de la période coloniale. La Direction des Archives nationales est appelée à aller au-delà ; elle doit s’ouvrir en portant les documents d’archives à la connaissance de la population entière. Elle est appelée à aller au-delà de la période coloniale en faisant une place à la collecte de la tradition orale des racines originelles culturelles de notre pays, la musique et ses instruments, la danse, bref toutes les composantes de notre patrimoine culturel à préserver et qui font notre identité commune.

Ceci nous permet de revenir à une tentative qui n’a hélas pas encore prospéré. Il s’agit de la collecte, à l’occasion des manifestations du cinquantenaire de notre accession à l’indépendance, des témoignages et archives de différents acteurs (politiques, syndicaux, culturels, des mouvements de jeunesse, anciens hauts fonctionnaires, etc.) de la veille de l’indépendance à 2010. Les personnes à interviewer ont été identifiées, les équipes constituées en collaboration avec la Direction des archives nationales, une évaluation du coût de l’opération réalisée ; mis hélas faute de ressources tout a été suspendu. N’est-ce pas l’occasion de lancer un appel à la reprise d’une telle initiative ? La Direction des Archives est, en effet, appelée à être le dépositaire de toute la documentation tant sur support papier, support audiovisuel que électronique qui sera collectée.

Il faut mettre en place un système unique d’archivage et de gestion des documents, éviter l’existence d’une multiplicité d’institutions développées de façon non planifiée pour gérer les archives et documents du pays ; la Direction des Archives Nationales rattachée au Secrétariat général du gouvernement est appelé à jouer ce rôle.

Conclusion

Les archives constituent le socle de l’histoire d’une nation surtout en construction comme le Bénin, elles sont aussi les auxiliaires indispensables de toute administration qui serait bien sans boussole en l’absence de dossiers bien classés et bien tenus et enfin investir dans la disponibilité d’archives bien conservées, classées et rendues disponibles est le gage d’une gestion politique, économique et administrative efficace. Les archives assurent ainsi la continuité de l’action administrative et gouvernementale.

Elles contribuent également à une plus grande transparence et partant à la lutte contre la corruption, les détournements et autres irrégularités.

Indications bibliographiques

  • Archives Nationales du Bénin, Carton 1E4-3-1, Rapport politique trimestriel, 3ème trimestre 1941,
  • BARAON-DIUOMENCY Lydie Padré, 2012, Bonne pratique administrative et transparence : l’apport des archives in « arche-e », n° 5-6, juin 2012, 204-212 pp,
  • JOLINON M. Didier, Archives et transparence administrative et financière : Archives et bonne gouvernance, 5p,
  • KECSKEMETI Karoly, Archives, développement et souveraineté nationale, 53-72 pp.
  • MOURIER Jacques et CAYA Marcel, Les archives, pour quoi ?
  • SECK Ababacar Sadikh, Sans une bonne politique d’archives, point de bonne gouvernance, 5p,
  • SMITH I. Wilfred, Les archives dans les pays en développement : une contribution au développement national 73-78pp,
  • Différents sites du WEB ont été consultés.

[1] SECK Ababacar Sadikh, Sans une bonne politique d’archives, point de bonne gouvernance